Paul Salaün
MISÉRICORDE
PROLOGUE
INTRODUCTION
CHAPITRE V - LE PÈRE NOURRIT SON ENFANT
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Le père nourrit les hommes /... nourrit son enfant
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Les défaillances paternelles / Chemin de guérison...
CHAPITRE VIII - LE PÈRE EST FIDÈLE
CHAPITRE IX _ LE PÈRE PAR-DELA LA MORT
EXODOS
PRIÈRES
BIBLIOGRAPHIE
ENSEIGNEMENTS
CD 2 : La paternité humaine
CD 3 : Les défaillances des pères
Chapitre V - LE PÈRE NOURRIT SON ENFANT
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Le Père nourrit les hommes
Quand Israël était jeune, je l’aimai, et d’Égypte j’appelai mon fils. (…) Je m’inclinais vers lui et le faisais manger (Os 11,1.4). Dans son amour pour son peuple, Dieu le nourrit, et ce don de la nourriture devient l’expression de son amour « maternel ». Mais l’aliment pour le corps ne suffit pas ; c’est pourquoi le Père n’aura de cesse de susciter chez l’homme une faim et une soif de la seule nourriture et de la seule boisson qui le rassasieront totalement et pour toujours, c’est-à-dire, ô merveille, Dieu lui-même !
Dieu nourrit Adam et Ève.
Dès qu’il crée nos premiers parents, comme ils ont un corps le Père leur donne la nourriture pour celui-ci : Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture (Gn 1,29). Tout cela, il le leur donne gratuitement, et il leur confie la création pour qu’ils en soient les prêtres. L’attitude qu’il attend d’eux, c’est l’action de grâce.
Les descendants d’Adam entrent à leur tour dans cette action de grâce, comme le psalmiste : « Bénis le Seigneur, ô mon âme. Seigneur mon Dieu tu es si grand ! (…)De tes chambres hautes, tu abreuves les montagnes ; la terre se rassasie du fruit de tes œuvres. Tu fais croître l’herbe pour le bétail et les plantes à l’usage des humains, pour qu’ils tirent le pain de la terre et le vin qui réjouit le cœur de l’homme, pour que l’huile fasse luire les visages et que le pain fortifie le cœur de l’homme » (Ps 104-103, 1.13-15).
Nous aussi nous sommes invités à rendre grâce au Père pour notre nourriture, en lui demandant de bénir nos repas.[1]
En outre les grands présents de la terre – l’eau, le pain, le vin, l’huile – sont devenus la matière des sacrements de l’Église. C’est pourquoi celle-ci en rend grâce au Seigneur durant la célébration des sacrements ; par exemple, pour le pain et le vin, à l’offertoire durant l’Eucharistie.[2]
Malheureusement, après le péché originel, l’homme a mis la main égoïstement sur les dons de Dieu et, recherchant la jouissance dans la consommation des biens de la terre, a oublié le Créateur et Donateur de tous biens. - Notre société de consommation, hélas, lui a emboîté massivement le pas !
Du coup, ce qu’il recevait gratuitement et facilement de Dieu au Paradis, désormais il doit faire effort pour l’acquérir. A l’homme Dieu dit : « Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais interdit de manger, maudit soit le sol à cause de toi ! A force de peine tu en tireras subsistance tous les jours de ta vie. Il produira pour toi épines et chardons et tu mangeras l’herbe des champs. A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain. » (Gn 3,17-19)
Dans la difficulté, l’homme s’est alors mis à prier et à accomplir des rites pour demander à Dieu de bénir ses récoltes, notamment en envoyant la pluie. L’Église catholique elle-même le fait aussi à travers la prière des rogations, reconnaissant ainsi que les récoltes sont d’abord un don du Créateur.
L’homme moderne, dans sa suffisance, croit pouvoir résoudre, grâce à la science, les problèmes liés à la production de nourriture. Mais nous constatons qu’il est incapable, par exemple, d’empêcher la progression du désert en Afrique et les terribles inondations en Asie du sud-est. La terre peut nourrir tous ses habitants. Mais l’homme ne pourra mettre en valeur harmonieusement la planète qu’en l’accueillant comme un don de Dieu à exploiter avec sagesse. Car les crises alimentaires sont dues non seulement aux causes naturelles, mais aussi à « l’irresponsabilité politique nationale ou internationale. »[3]
Dieu nourrit Israël au désert
C’est à cela qu’Osée fait référence dans le texte que nous méditons. Le Père a sauvé son peuple et l’a fait sortir d’Égypte. Mais le chemin vers la Terre promise passait par le désert.
Là, Israël connut la soif, et récrimina contre Moïse. Alors Dieu dit au Prophète de frapper un rocher avec son bâton pour en faire jaillir de l’eau.[4] Moïse leva la main et, avec le bâton, frappa le rocher par deux fois : l’eau jaillit en abondance, la communauté et son bétail purent boire (Nb 20,11).
Dieu manifesta ainsi sa sainteté (Nb 20,13), et il n’eut de cesse, dans les siècles suivants, de susciter chez son peuple une autre soif, celle de l’amour du Père qui veut lui donner sa vie et nouer avec lui une alliance éternelle : Vous tous qui avez soif, venez vers l’eau ; même si vous n’avez pas d’argent, venez, achetez et mangez. (…) Prêtez l’oreille et venez vers moi, écoutez et vous vivrez. Je conclurai avec vous une alliance éternelle (Is 55,1.3).
Ce texte, au verset 2, évoque aussi le don du pain. Au désert le Père a nourri son peuple en lui donnant le pain quotidien de la manne (Ex 16). Il lui a manifesté ainsi son amour et sa présence efficace à ses côtés.
Comme un enfant capricieux et exigeant, Israël s’est lassé de cette nourriture qu’il trouvait insipide. Mais par la suite les sages ont compris le sens de cette épreuve : Dieu t’a humilié, il t’a fait sentir la faim, il t’a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères n’aviez connue, pour te montrer que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur (Dt 8,3).
Benoît XVI commente : « La pensée juive, dans son évolution interne, est arrivée progressivement à la conclusion que le vrai pain du ciel qui nourrissait et qui nourrit encore Israël est précisément la Loi, la Parole de Dieu. Dans la littérature sapientielle, la sagesse, qui est accessible et présente dans la Loi, apparaît comme du pain (Pr 9,5). »[5]
Israël au désert, lassé de la manne, réclamait à Moïse de la viande ; c’est pourquoi Dieu a envoyé des cailles en surabondance pour le nourrir (Nb 11). On comprend que le peuple ait aspiré à une telle nourriture, qu’il ne mangeait que rarement.
C’est pour cela que la viande, repas de fête, est présente dans le festin messianique que le Père promet à Israël, et à tous ceux qui croiront en lui : Le Seigneur Sabaot prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de viandes grasses, un festin de bons vins, de viandes moelleuses, de vins dépouillés. Il a détruit sur cette montagne le voile qui voilait toutes les nations (…) ; il a fait disparaître la mort à jamais. Le Seigneur a essuyé les pleurs sur tous les visages. (…) Exultons, réjouissons-nous du salut qu’il nous a donné (Is 25,6-9).
Ainsi, dans l’ancienne alliance, l’eau, le pain, la viande sont riches d’une triple signification : ils sont signes de la bienveillance du Père qui nourrit les hommes ses créatures, qui les sauve en les libérant de l’esclavage et en les nourrissant au désert, et qui leur promet une nourriture nouvelle capable de rassasier leur soif et leur faim de manière définitive.[6]
Le Père, par Jésus, nourrit son Église
La promesse messianique faite à Israël se réalise grâce à Jésus, le Messie annoncé par les prophètes et attendu par tout un peuple.
Au désert, Israël avait connu la soif, et Moïse, sur l’ordre de Dieu, avait fait couler l’eau du rocher. Saint Paul affirme que ce rocher symbolise le Christ (1 Co 10,4). En effet c’est lui, Jésus, qui apporte aux hommes l’eau vive. Il le dit à la Samaritaine : « Qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle » (Jn 4,14).
Benoît XVI commente : « Dans l’entretien avec la Samaritaine, l’eau redevient, certes sous une forme différente, le symbole du « Pneuma » (Esprit), de la véritable puissance de vie qui étanche la soif la plus profonde de l’homme en lui donnant la vie intégrale qu’il attend sans la connaître. »[7]
Pour cela, il faut que le rocher soit frappé afin que coule la source en surabondance : Jésus crucifié sera frappé par la lance d’un soldat romain, et de son cœur ouvert coulera la source d’eau vive de l’Esprit qui purifie et donne la vie éternelle (cf. Jn 19, 34).
Ce moment avait été annoncé par Ezéchiel dans sa vision de l’eau jaillissant du côté droit du temple, devenant un fleuve immense procurant la vie et la guérison (Ez 47). La source jaillie du cœur transpercé de Jésus est devenue un torrent d’amour, inépuisable, qui s’étend jusqu’aux extrémités de la terre, et ne cessera de couler jusqu’à la fin du monde.
« Celui qui regarde l’histoire avec un œil attentif, écrit Benoît XVI, peut voir ce fleuve qui, à travers les temps, coule du Golgotha, du cœur de Jésus crucifié et ressuscité. Là ou parvient ce fleuve, il peut voir comment la terre est purifiée, comment poussent les arbres fruitiers, comment jaillit la vie, la vie véritable, de la source d’amour qui s’est donnée et qui se donne. »[8]
C’est dans cette source que nous avons été plongés le jour de notre baptême, et que, morts au péché, nous avons reçu la vie éternelle, grâce au don du Saint-Esprit. Si nous y puisons régulièrement, par la prière et dans les sacrements, nous n’aurons plus jamais soif !
De même qu’il nous donne l’eau de la vie, de même Jésus nous apporte le vrai pain de vie. C’est ce qu’il affirme au chapitre 6 de saint Jean. Au début Jésus, assis sur une montagne (comme Moïse au Sinaï), enseigne une foule de cinq mille hommes, les nourrissant de sa Parole, de la Loi nouvelle. Ses auditeurs font alors l’expérience des Hébreux au désert : ils ont faim. Alors Jésus multiplie cinq pains et rassasie la foule en surabondance (il reste douze corbeilles, pour les douze tribus d’Israël), puis il se retire pour prier.
Le lendemain la foule le recherche, mais Jésus l’interpelle sur ses motivations : « En vérité, en vérité je vous le dis, ce n’est pas parce que vous avez vu des signes que vous me cherchez, mais parce que vous avez mangé des pains à satiété. Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera, car c’est lui que le Père, qui est Dieu, a marqué de son sceau » (Jn 6,26-27).
Puis il les invite à croire en lui. En effet, leurs pères ont mangé la manne et ils sont morts ; lui Jésus, envoyé du Père, leur donnera le pain du ciel qui donne la vie au monde (Jn 6,33). Il confirme ainsi la Parole de Dt 8,3 : lui, le Verbe de Dieu, peut seul rassasier la faim profonde du cœur de l’homme.
Mais Jésus va infiniment plus loin en affirmant : « Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie » (Jn 6,51). Jésus nourrit nos esprits et nos cœurs non seulement par sa Parole, mais aussi par sa chair, c’est-à-dire tout son être. Puisque le Père veut faire de nous des fils adoptifs – avant la fondation du monde il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs par Jésus, le Christ (Ep 1,5) -, il nous donne la nourriture adaptée à notre condition de fils : son propre Fils !
Nous ne pouvons que nous émerveiller devant cet abîme d’amour et de générosité du Père. Il ne trouve rien de trop beau ni de trop grand pour ses enfants bien-aimés. Dans l’Eucharistie, il nous donne le vrai pain du ciel : son propre Fils, pour que nous soyons transformés par celui-ci, que nous devenions un avec lui, et entrions ainsi dans la communion d’amour de la Très Sainte Trinité !
Pour que cela soit possible, il a fallu deux miracles inouïs : d’abord la résurrection de Jésus, car c’est sa chair glorifiée par l’Esprit que Jésus nous donne (cf. Jn 6,63) ; et ensuite l’institution de l’Eucharistie dans laquelle, par le miracle de la transsubstantiation, Jésus nous donne sa chair à manger sous les apparences du pain et du vin consacrés.
Du pain et du vin. Ceux-ci, nous dit Benoît XVI, « ont chacun des fonctions symboliques spécifiques. Le pain (…) est la nourriture de base qui appartient aux pauvres et aux riches, mais tout particulièrement aux pauvres. Il exprime la bonté de la création et du Créateur, tout en symbolisant l’humilité de la simple vie quotidienne. Le vin par contre représente la fête. Il fait ressentir aux humains la magnificence de la création. C’est pourquoi il fait partie des rituels du sabbat, de la pâque et des noces. Et il nous fait pressentir quelque chose de la fête définitive de Dieu avec l’humanité, qui est l’objet des attentes d’Israël (cf. Is 25,6). »[9]
Comme le montre le signe de Cana, où il change de l’eau en vin, Jésus est l’Époux qui vient nouer avec l’humanité une Alliance nouvelle et éternelle. Ces noces se réalisent à la croix ; nous y entrons à notre baptême ; et l’Eucharistie, en nous donnant de communier au vin devenu sang du Christ, nous communique l’amour du Fils, « ce nouveau vin délicieux qui fait partie des noces de Dieu avec les hommes. »[10]
Ces noces, déjà inaugurées, seront totalement réalisées dans la gloire du ciel. « Lors de la dernière Cène, le Seigneur a lui-même tourné le regard de ses disciples vers l’accomplissement de la Pâque dans le Royaume de Dieu : Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de mon Père (Mt 26,29). Chaque fois que l’Église célèbre l’Eucharistie, elle se souvient de cette promesse et son regard se tourne vers celui qui vient (Ap 1,4). »[11]
Alors se réalisera la dernière bénédiction spirituelle dont le Père veut nous combler depuis avant la fondation du monde : Il ramènera toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres (Ep 1,10). Alors ce seront les noces de l’Agneau dans la Jérusalem céleste ; la fête, au Royaume du Père, pour ses enfants bien-aimés enfin rassemblés autour de lui pour une béatitude éternelle. Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau ! (Ap 19,9)
Père, donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. (Mt 6,11)
De multiples commentaires ont été faits du Notre père, et donc de cette demande.[12] Le Catéchisme de l’Église Catholique en résume l’essentiel. En voici quelques paragraphes :
« Donne-nous » : elle est belle la confiance des enfants qui attendent tout de leur Père. Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes (Mt 5,45) et Il donne à tous les vivants en son temps leur nourriture (Ps 104,27). Jésus nous apprend cette demande : elle glorifie en effet notre Père parce qu’elle reconnaît combien Il est bon au-delà de toute bonté. (n° 2828)
« Donne-nous » est encore l’expression de l’Alliance : nous sommes à Lui et Il est à nous. Mais ce « nous » Le reconnaît aussi comme le Père de tous les hommes et nous Le prions pour eux tous, en solidarité avec leurs besoins et leurs souffrances. (n° 2829)
« Notre pain ». Le Père, qui nous donne la vie, ne peut pas ne pas nous donner la nourriture nécessaire à la vie, tous les biens « convenables », matériels et spirituels. Dans le sermon sur la montagne, Jésus insiste sur cette confiance filiale qui coopère à la Providence de notre Père (cf. Mt 6,25-34). Il ne nous engage à aucune passivité (cf. 2 Th 3,6-13), mais veut nous libérer de toute inquiétude entretenue et de toute préoccupation. Tel est l’abandon filial des enfants de Dieu. (…) (n° 2830)
Mais la présence de ceux qui ont faim par manque de pain révèle une autre profondeur de cette demande. Le drame de la faim dans le monde appelle les chrétiens qui prient en vérité à une responsabilité effective envers leurs frères, tant dans leurs comportements personnels que dans leur solidarité avec la famille humaine. Cette demande de la Prière du Seigneur ne peut ne peut être isolée des paraboles du pauvre Lazare (Lc 16,19-31) et du Jugement dernier (Mt 25,31-46). (n° 2831 ; les numéros 2832 et 2833 développent ce point.)
Cette demande, et la responsabilité qu’elle engage, valent encore pour une autre faim dont les hommes dépérissent : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche de Dieu (Dt 8,3 ; Mt 4,4), c’est-à-dire sa Parole et son Souffle. Les chrétiens doivent mobiliser tous leurs efforts pour « annoncer l’Évangile aux pauvres. » Il y a une faim sur la terre, non pas une faim de pain ni une soif d’eau, mais d’entendre la Parole de Dieu (Am 8,11). C’est pourquoi le sens spécifiquement chrétien de cette quatrième demande concerne le Pain de Vie : la Parole de Dieu à accueillir dans la foi, le Corps du Christ reçu dans l’Eucharistie (cf. Jn 6,26-58). (n° 2835)
« De ce jour ». Ce mot, épiousios, n’a pas d’autre emploi dans le Nouveau Testament. Pris dans un sens temporel, il est une reprise pédagogique de « aujourd’hui » (cf. Ex 16,19-21) pour nous confirmer dans une confiance « sans réserve ». Pris au sens qualitatif, il signifie le nécessaire à la vie, et plus largement tout bien suffisant pour la subsistance (cf. 1 Tm 6,8). Pris à la lettre (epiousios : « sur-essentiel »), il désigne directement le Pain de Vie, le Corps du Christ, « remède d’immortalité » sans lequel nous n’avons pas la vie en nous (cf. Jn 6,53-56). Enfin, lié au précédent, le sens céleste est évident : ce Jour est celui du Seigneur, celui du Festin du Royaume qui vient. C’est pourquoi il convient que la liturgie eucharistique soit célébrée « chaque jour ». (n° 2837)
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Le père nourrit son enfant
Vis-à-vis de l’enfant, c’est la mère qui, la première, participe au mystère de la paternité nourricière de Dieu. Alors qu’il n’est encore qu’un embryon, puis un fœtus, elle le nourrit de sa chair par le cordon ombilical, et de son amour que l’enfant perçoit dès le début. Puis, après la naissance, en donnant le sein à son bébé, elle continue. D’ailleurs le tout-petit, au stade oral, ne dissocie pas le lait de la personne qui le donne, et croit se nourrir de sa mère.
L’amour de la maman importe tout autant, et peut-être plus, que le lait qu’elle donne à son bébé. Les travaux du docteur Spitz ont montré que l’abandon affectif, par une mère qui n’accepte pas son enfant et le rejette inconsciemment, risque de déclencher chez le nourrisson une dépression pouvant aller jusqu’au marasme et à la mort.
Lorsque l’enfant grandit et est sevré, le père prend le relais de la mère et, surtout dans la société traditionnelle, travaille pour ramener le pain quotidien de la famille. Mais son rôle ne se limite pas à celui de pourvoyeur de nourriture de la famille : il a reçu la charge d’une personne humaine, et doit donc lui apporter la nourriture non seulement du corps, mais aussi du cœur (affection), de l’esprit (valeurs) et de l’âme (connaissance de Dieu).
Dans le chapitre précédent nous avons vu combien l’absence d’amour paternel ou la perversion de celui-ci sont préjudiciables à l’enfant. Il est urgent que les pères d’aujourd’hui reprennent toute la place qu’ils doivent tenir auprès de leurs enfants, et assument pleinement leur vocation paternelle !
Ils peuvent trouver un modèle en saint Joseph. Celui-ci, devenu le père nourricier de Jésus, a subvenu aux besoins de la Sainte Famille, procurant ainsi à Marie et à Jésus leur pain quotidien. Mais il a aussi prodigué à son enfant toute sa ferme tendresse paternelle. Il a aidé Jésus à prier le Père, en l’initiant à l’Écriture, aux prières et aux rites de la religion juive. Enfin, à partir de ses douze ans, il l’a formé au métier de charpentier, lui inculquant ainsi toutes les valeurs liées au travail humain.
L’exemple de Joseph, à qui Dieu a confié son Fils, montre combien il importe que tout père vive sa vocation paternelle en référence au Père, source de toute paternité : il nourrira ainsi son enfant d’un amour de plus en plus parfait.
Il saura notamment rendre grâce au Créateur pour tous les biens de la terre que celui-ci a mis à sa disposition pour qu’il les transmette à ses enfants. L’un des meilleurs moments pour cela, c’est la prière de bénédiction des repas. Le père de famille demande alors au Père de bénir ce pain et ces aliments, fruits de la terre et de son travail ; il lui rend grâce pour ces dons ; il prie en même temps pour que l’amour de Dieu unisse toujours les membres de sa famille, et rayonne au-delà par le partage avec les nécessiteux.
Il est important d’ouvrir le cœur des enfants à la reconnaissance pour le Créateur et Père, source de tous dons, et pour leurs parents. L’Église le rappelle : « Le respect pour les parents (piété filiale) est fait de reconnaissance à l’égard de ceux qui, par le don de la vie, leur amour et leur travail, ont mis leurs enfants au monde et leur ont permis de grandir en taille, en sagesse et en grâce. »[13]
Le pape François invite les jeunes à la prière pour leur père : "Chacun de nous doit tant à son père terrestre, qui nous a transmis la vie, qui a pris soin de nous et qui continue à pourvoir à notre existence quotidienne et à notre croissance. N'oubliez pas de rendre grâce à Dieu pour votre père ! Souvenez-vous de lui dans la prière. »[14]
[1] Cf. CEC n° 2834
[2] CEC n° 1334
[3] Benoît XVI, Encyclique Caritas in veritate n° 27
[4] J’ai entendu un explorateur rapporter que, dans le désert du Sinaï, certains rochers se recouvrent d’une pellicule calcaire qui retient l’eau.
[5] Benoît XVI, Jésus de Nazareth, tome I, p. 268.
[6] (6) Cf. CEC n° 1334
[7] Benoît XVI, Jésus de Nazareth, tome I, p. 268
[8] Ibid. p. 274
[9] Ibid. p. 275. Is 25,6 renvoie au festin messianique.
[10] Ibid. p. 288
[11] CEC n°1403
[12] L’un des derniers est le chapitre 5 du Jésus de Nazareth, tome I, de Benoît XVI
[13] CEC n° 2215
[14] François à des jeunes le 29 mai 2013